Par un communiqué publié par l’Association des Banques du Liban, nous apprenons que vous avez jugé que le pire est derrière nous.

Permettez-nous d’en douter alors que vous avez vous même annoncé la fin prochaine des programmes de subvention des produits de première nécessité, que les menaces de pénuries commencent à apparaître , que les différents acteurs économiques, tels que les syndicats des importateurs de carburants,de médicaments et de matériels médicaux, se plaignent justement des retards pris pour que soient accordées les lignes de crédit nécessaires pour financer ces importations.

Heureusement encore, seule, pour l’heure, la farine a été épargnée , vu que l’explosion du port de Beyrouth, dans son malheur, a pu écarter le risque de sa pénurie momentanément grâce à l’aide internationale… Mais pour combien de temps encore?

Permettez-nous d’en douter aussi alors que, dans votre domaine spécifique, le contrôle des capitaux est toujours informel, que la restructuration du secteur bancaire n’a toujours pas été effectuée, que nous n’avons pas eu de liquidations voire même de faillites seules capables de libérer tout de même des fonds à hauteur de la garantie bancaire.

Il y a un an à peine, vous déclariez que la pénurie de devises étrangères n’était que logistique. Il y a un an à peine, vous estimiez que la livre n’allait pas être dévaluée. Il est vrai que le taux officiel demeure inchangé mais que le dollar – à l’exception de la bulle de la Banque du Liban au profit de ces produits de première nécessité – est introuvable. Mais il s’agit aussi de sortir de cette bulle et d’être confronté comme la majorité de la population, à une monnaie locale qui a perdu l’essentiel de sa valeur.

Vous cherchez à être rassurant mais la réalité est tout autre et n’est pas reflétée par vos paroles.Vos propos contredisent l’opinion de la population locale qui vit la crise mais qui est désormais lassée et plus proche de partir que de rester, tout comme l’opinion des experts indépendants locaux mais aussi celle de la communauté internationale et notamment du Président de la République Française, Emmanuel Macron, qui était précédemment un banquier d’affaire comme vous.

Ce dernier dans sa dernière intervention concernant le Liban a chargé le secteur bancaire privé ainsi que le secteur bancaire public dont vous êtes responsable.

Le pire est passé selon vous… Êtes-vous conscient que nous n’avons toujours pas de gouvernement capable d’obtenir les lignes de crédit nécessaires pour débloquer l’aide économique internationale? Certes, cela n’est pas de votre ressort, mais cette aide est aussi nécessaire justement pour poursuivre le programme de subvention des produits de première nécessité qui épuisent les réserves monétaires dont vous avez la charge. Peut-on être honnêtement optimiste à votre place? Certainement que non.

Vos paroles ne semblent pas s’adresser au final à la population qui,d’ailleurs n’en n’est pas rassurée, mais plutôt à un cercle restreint de vos amis,que vous avez soutenu des années durant, par vos opérations de soutien au BTP (à l’offre et non à la demande) ainsi qu’aux banques à travers les opérations d’ingénierie financière qui ont couté une grande partie de l’argent public et qui ont aussi bénéficié d’intérêts importants sous couvert d’une économie rentière aggravant encore plus le caractère non productif de notre économie. Votre politique des taux a encouragé les dépôts bancaires plutôt que les investissements qui auraient relancé l’industrie, les autres secteurs et donc l’emploi qui est une des missions de votre fonction.

Je n’évoque pas les différents détournements dont vous avez dû être témoin en tant que gouverneur de la BDL .Je doute que vous n’ayez pas accès à des données que nous ignorons. Vous êtes donc mieux placés que nous pour en parler… si vous en avez toutefois le courage.

Il est vrai que vous n’êtes pas le seul dans le déni. C’est le cas aussi des autorités publiques mêmes si certains progrès ont été dernièrement constatés, notamment lors de l’intervention du chef de l’état, évoquant le fait que le Liban allait en enfer… Les choses n’ont pas trop changé en 2 semaines pour être optimiste, bien au contraire. Les portes du purgatoire ont été franchies, il y a un an en dépit de vos assurances à ce sujet ,on en connait la suite. Reste désormais à franchir les portes de l’enfer, ce qui ne devrait pas trop tarder…

D’autres comme le ministre de la santé et certains organismes économiques et notamment syndicaux exigent la poursuite du programme de subvention comme si nous allions pouvoir imprimer des dollars.

C’est à ces questions qui sont celles de la population et non du secteur bancaire que vous auriez dû répondre puisque vous avez la charge de la politique de subvention en fin de compte. C’est vous qui donnez l’argent. Comment allons-nous nourrir ou soigner la population une fois que les réserves monétaires seront épuisées ?