La soirée a été marquée par le volte-face de la décision de la Banque du Liban d’imposer une limite de 2 millions de livres libanaises sur les retraits. Soyons clair, cette décision était une mauvaise décision depuis le début mais le fait de revenir sur cette dernière démontre une fois de plus que les autorités de tutelle, ici la Banque du Liban peinent à imposer des mesures face aux cartels économiques et aux banques en particulier.

Cette décision semble avoir été prise sans aucune concertation avec les parties prenantes, Association des Banques du Liban, organismes économiques ou état, et encore moins dans l’intérêt des déposants, chose assez courante en fin de compte depuis des années. La banque centrale, depuis l’accession de Riad Salamé, a en fin de compte favorisé les banques et leurs actionnaires et non les épargnants en créant une illusion, celle d’une monnaie stable à 1507 LL/USD alors que les modèles économétriques suggéraient déjà avant la crise que la parité réelle de la livre était au double, soit 3000 LL/USD.

Depuis que la crise économique est apparue au grand jour, la Banque du Liban s’est révélée impuissante toujours à agir dans l’intérêt des déposants, par exemple en imposer un contrôle formel des capitaux qui aurait pu permettre de mettre fin aux transferts illégaux de devises étrangères dès 2019, permettant ainsi à des personnes possédant de bonnes connexions, généralement avec les dirigeants politiques ou bancaires de le faire. De même, elle n’a pas pu mettre fin à la détérioration de la livre libanaises.

Il aurait fallu plutôt mettre en place des mesures de glissement contrôlées et passer d’une politique dite du peg à un flottement de la livre pour diminuer les tensions sur la livre et permettre une correction douce de la valeur réelle de la livre. Mais également il aurait dû permettre depuis longtemps une restructuration du système financier où les personnes exposées politiquement détiennent d’importants intérêts – 43% des actions des banques locales leur appartenant -.

Encore depuis quelques temps, l’incapacité de la banque centrale à maintenir le programme de subvention à l’achat des produits de première nécessité démontre une nouvelle fois qu’elle ne contrôle rien au final.

Plus qu’un aveu d’impuissance de la Banque du Liban, il y a un défaut majeur de leadership désormais visible aux yeux de tous mais cela n’est que la partie émergée d’un iceberg et le Liban en est son Titanic.

La majorité des problèmes n’est pas liée à la politique économique mais principalement à la politique monétaire. La Banque du Liban a favorisé depuis des années, une politique de rente basée sur des taux d’intérêts qui étaient élevés, visant à attirer des fonds donc au bénéfice des banques sans aucune politique de stimulation des secteurs productifs comme l’industrie. Seule exception, le programme de stimulation du secteur du BTP, mais encore une fois, beaucoup des entreprises présentes dans ce secteur étaient soit liées à des hommes politiques soit à des banques.

Ce n’est pas ainsi qu’on gère une économie au niveau d’une banque centrale. Une des missions principales d’une banque centrale est de contrôler la stabilité monétaire, quitte à la corriger le cas échéant, ce qui aurait dû être le cas lors de l’augmentation insensée des salaires décidée par les gouvernements Mikati et Salam et synonyme d’inflation, et donc dévaluer à ce moment-là la livre libanaise quitte à obtenir en contrepartie une augmentation du pouvoir d’achat par l’annulation des marges des agences exclusives mais cela est du ressort de la politique économique menée par un gouvernement et non d’une banque centrale, d’assurer l’encaissement et les dépenses de l’état et donc de contrôler ici la dette publique et non d’investir à fond perdu, et autre point important d’assurer la stabilité des banques.

La Banque du Liban a, de son côté, favorisé l’investissement de ces dernières dans des produits défectueux à savoir la dette publique et donc mis en danger l’épargne, non pas d’une seule banque mais de l’ensemble du système financier au profit de quelques actionnaires qui en récoltaient les fruits via le paiement de dividendes estimés à plusieurs dizaines de milliards de dollars en 10 ans. Elle n’a donc pas joué son rôle agissant comme une forteresse pour certains intérêts comme en témoignent les miradors l’ayant transformé en forteresse et qui l’entourent aujourd’hui.

Si une leçon est à retenir, c’est qu’il s’agit aujourd’hui aussi de remettre en cause la gérance même de cette institution. Les personnes qui ont construit le château de carte qui s’écroule aujourd’hui sont mal placés pour proposer les solutions adéquates. Il n’y a plus de confiance, ni envers les institutions publiques, ni envers l’establishment financier actuel et encore moins dans les hommes qui les dirigent.

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