17 octobre 2019. Il y a un an, jour pour jour, des dizaines de milliers de libanais étaient dans la rue pour s’insurger contre une classe politique pourrie. Une taxe absurde sur WhatsApp fut la goutte qui a fait déborder le vase, ce vase qui stagnait depuis les années 90, épongeant malversations, infractions et délits à souhait commis par ceux qui le gouvernent.

Les premières semaines, les espoirs étaient de taille. L’éveil du peuple, tant et tant attendu depuis des décennies, le silence radio des autorités, a laissé croire que nous y arriverons.

Des sabotages à la pelle

Dès ces premières semaines, les diverses factions politiques, ont commencé lentement mais sûrement, à faire des mains et des pieds pour contrer ce mouvement révolutionnaire. La vue insoupçonnée de milliers de Libanais qui clamaient haut et fort leur libanité et leur dégoût envers tous les partis politiques sans aucune exception, qui rejetaient les barrières sectaires et partisanes que cette caste avait pris le soin d’ériger, et qui réclamaient la chute de tous pour rebâtir sur du neuf, a fortement déplu à ces chefs de files. Sans doute aucun, tous les moyens sont permis, virtuels et réels dans le but de saligoter la Révolution du 17 octobre.

Sur le terrain, ils se sont plu à stipendier des infiltrés et les lâcher parmi les masses, afin de nuire à l’image de cette Révolution et torpiller tous les efforts d’unité et de libération entreprises par le peuple. Ensuite, lorsque ces pratiques ont été démasquées, ce furent les tentatives de suppression par la force auxquelles la classe au pouvoir a eu recours. Ils ont ensuite transformé l’Armée en une brigade de police dont la seule occupation est de contrer les manifestants. Sans oublier les arrestations arbitraires de manifestants qui n’ont fait que crier leur haine contre le pouvoir, alors que les vrais brigands circulent en paix, en plus de faire la pluie et le beau temps.

Sur la toile, des hordes de trolls partisans ayant bien appris la leçon de leurs maîtres, ont été parsemés un peu partout sur les réseaux sociaux afin de ridiculiser ce mouvement, le récriminer, l’accuser de haute trahison. Mais surtout, de manigancer mille et un complot contre toute figure qui se démarque au sein du mouvement en inventant une kyrielle d’accusation et de points noirs dans son parcours. Sans oublier intimidations, harcèlements, et souvent même menaces de tort ou de mort…

Des conditions de vie allant de mal en pis

Mis à part le fait de déminer tout mouvement contestataire, la mafia au pouvoir, entièrement responsable de la détérioration de la situation économique, s’est complu à resserrer l’étau autour de la population libanaise dès l’éclatement de la révolution en procédant à une sorte de contrôle des capitaux, de connivence avec la BDL et l’Association des Banques. Le dollar n’est plus disponible sur le marché et son taux de change officieux a littéralement décuplé.

Puis s’enchaînent alors les pénuries à la pelle : mazout, essence, médicaments, farine, blé, bref, tous les produits de premières nécessités. Pénuries réelles ou fabriquées, dont le but est de rendre la vie pénible au Libanais, et finir par le pousser soit à quitter vers de nouveaux horizons, soit à accepter son triste sort d’être l’esclave de cette mafia par accablement, désespoir et faiblesse. Puis il y a eu la pandémie de Covid-19 qui a été maladroitement gérée et utilisée dans le but d’effrayer la population et empêcher tout rassemblement ; ce qui a essoufflé le peuple et donner un peu plus de souffles aux truands au pouvoir. Mais surtout, il y a eu l’explosion du port de Beyrouth. La troisième plus grande explosion au monde du pays dont la dette publique par habitant est classée troisième au niveau mondial. Et toujours rien. Silence radio. Pas de deuil officiel en hommage aux victimes. Même pas de discours compatissant. Dédommager les Beyrouthins qui ont tout perdu à cause du laisser-aller et de la corruption de ces mêmes autorités ? Faut vraiment pas rêver… Il ne se sentent simplement point concernés.

Les crimes se suivent mais ne se ressemblent point, ils s’amplifient et dénotent un détachement complet à la réalité libanaise de la part de la classe politique qui se fiche royalement du sort des Libanais et se plait à multiplier ses perversités, magouilles et vols en tous genres. Le tout, en toute impunité sans le moindre doute.

Des politiciens qui craignent leur peuple

Mais cette attitude en cache une autre. Celle d’une peur bleue de voir le peuple se réveiller enfin. Non seulement la partie silencieuse, pacifique, sans appartenance aucune, qui se trouve toujours la victime des hordes de hooligans qui viennent saboter tout mouvement qu’elle entreprend et le tourner en une bataille sanguinaire. Mais le bétail qui forme leurs publics d’admirateur, ces malades du syndrome de Stockholm qui sont prêts à mourir pour leurs prédateurs. Jusqu’à quand résisteront-ils ? Le fuel manque, l’argent liquide, la farine, le blé, le lait, la viande, les médicaments, bientôt les services hospitaliers… Supporteront-ils davantage de sujétion, de déshonneur et d’opprobre ? Le suivisme : là réside tous nos malheurs.

Un politicien a récemment déclaré, que toute la clique au pouvoir à l’unisson a imposé au Président Macron une seule condition afin de donner leur aval sur l’initiative française : la non-tenue d’élections législatives avant l’heure. Ce qui en dit long sur leurs appréhensions : ils ont compris que cette fois-ci que depuis le 17 octobre, plus rien ne sera comme avant. Le Liban ne sera plus jamais le même.

17 octobre 2020 : Vers une insurrection salvatrice

Une insurrection est la seule solution, avec tout ce que ce mot puisse porter. Le temps n’est plus aux carnavals, ni aux concerts, ni aux bougies allumées, ni aux pattes de velours si nous désirons vivre dignement dans notre pays. Ce sont nos griffes qu’il faudrait leur montrer.

Certes ce n’est pas la solution que l’on affectionnerait le plus, mais nous avons touché le fond, et nous n’avons plus rien à perdre. Il y aurait certes des sacrifices à faire, du sang qui coulerait. Si nous tenons à ce pays, il faudrait songer à le récupérer coûte que coûte. Ce n’est pas le Père Noel qui dans deux mois nous offrirait le luxe de nous débarrasser de cette mafia qui nous gouverne, ni la petite fée qui nous rendrait, comme une dent de lait perdu, le pays que l’on a ruiné.

Nous sommes capables de le faire, il ne nous manque que l’éveil des masses. Rien que cela. Et tout est possible, et c’est ce que ces rapaces craignent. Après nous avoir dévoré jusqu’aux os, ils se doutent que nos squelettes seraient peut-être un jour capables de se régénérer et de les assommer à leur tour… Soit une insurrection qui renverserait nos bourreaux et ferait ramener au pouvoir d’honnêtes hommes et femmes ayant une vision et un détachement, soit faisons nos adieux à la terre de nos aïeux …

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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